Le marché de la religion et l’effet « longue traîne »
Le web modère-t-il ou favorise-t-il les opinions extrémistes ? Depuis le livre de Cas Sunstein, Republic.com, ce débat sous-tend de nombreuses recherches des chercheurs en sciences politiques qui se préoccupent du web. Kieron O’Hara de l’université de Southampton et David Stevens de l’université de Nottingham reviennent sur cette question dans un papier présenté à Web Science’09 en prenant l’extrémisme religieux comme fil rouge. Cette question, expliquent les auteurs, peut être reformulé dans les termes d’un débat entre Hume et Smith. Le premier soutenait qu’un marché libre des croyances favoriserait les opinions extrêmes, puisque les nouveaux entrants pour se faire remarquer et attirer des pratiquants doivent développer des formules extrêmes et différenciantes. A l’inverse, Adam Smith dans La richesse des nations soutenait qu’une libéralisation du marché religieux favoriserait la modération et la domination des religions centrales et modérées. Les religions non-établies dans un marché ouvert doivent se policer pour entrer en relations compétitives avec leurs rivales.
O’Hara et Stevens plongent ce vieux débat dans le modèle de la « longue traîne » développée par Chris Anderson. En abaissant fortement les coûts de l’engagement extrémiste, le web favoriserait (c’était la thèse de Cas Sunstein) les opinions extrêmes et les petites communautés sectaires. Le web offrirait ainsi plus de visibilité aux niches religieuses sectaires, tout en maintenant une centralité forte aux marques religieuses à forte notoriété. L’exercice proposé par les auteurs est habile et séduisant, même s’ils n’apportent aucune vérification empirique.
Ils proposent cependant une hypothèse originale. En s’appuyant sur l’idée (avancée dans les débats sur la longue traîne par Salganik et al) que les systèmes de recommandation « centralisent » le marché alors que l’absence de recommandation entre usagers allonge la traîne, les auteurs soutiennent que toute mise en discussion des idées des groupes religieux sectaires (incluant des liens vers leur site) contribuent à les réduire. C’est souvent parce qu’ils parviennent à s’isoler dans une « niche » fermée sans contact et point de comparaison avec les autres marques religieuses présentes sur le marché que les sectes parviennent à prospérer… Conclusion, il suffirait d’installer un système de recommandation de croyances basés sur du filtrage collaboratif pour réduire à peu de chagrin les sectes les plus illuminées !
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